RĂSUMĂ | Dans une vaste carriĂšre, deux garçons plongent dans un innocent jeu de pouvoir avec Dame Nature comme seule observatrice.
METTANT EN VEDETTE | Félix Grenier, Alexandre Perreault et Louise Bombardier.
Drame | Un film de Jeremy Comte | Produit par Evren Boisjoli (Achromatic Media) et Maria Gracia Turgeon (Midi la Nuit) | Distribué par H264 Distribution | 2018 | Canada (Québec) | Français | 16 minutes
NOTRE AVIS
Gagnant de multiples prix, Fauve est un film coup de poing, qui Ă©branle, un film qui vous suit longtemps aprĂšs son visionnement, tout comme lâintrigue suivra sans doute longtemps ses protagonistes. MĂ©langeant beautĂ© et inquiĂ©tude, le scĂ©nariste et rĂ©alisateur JĂ©rĂ©my Comte a rĂ©ussi avec brio Ă illustrer les limites de la naĂŻvetĂ©, de lâenfance et de lâinnocence, donnant une place trĂšs mĂ©taphorique Ă lâĂąge adulte, celle-ci se prĂ©sentant seulement au bon moment, seulement quand lâenfance est prĂȘte.
Explorant la relation que nous entretenons avec Dame Nature, la cinĂ©matographie est Ă couper le souffle, vaste, complexe et Ă©laborĂ©e, nous rappelant du mĂȘme coup notre vulnĂ©rabilitĂ©. En visionnant ce film, vous serez Ă coup sĂ»r nostalgique dâune Ă©poque qui, en surface, paraĂźt bien futile mais en fait, dĂ©fini bien souvent plus quâon le voudrait qui nous sommes aujourdâhui.
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ENTREVUE
Pour votre plus grand plaisir, Planlarge.ca sâest entretenu avec le scĂ©nariste et rĂ©alisateur de Fauve: Jeremy Comte.
Lâentrevue est vous est prĂ©sentĂ©e ici comme une transcription libre de notre conversation tĂ©lĂ©phonique. Bonne lecture!
**ATTENTION! CONTIENT DES SPOILERS!**
PLANLARGE.CA : Pourquoi Fauve?Â
JEREMY COMTE : Je faisais souvent ce rĂȘve quand jâĂ©tais enfant, oĂč je mâenfonçais dans la boue, oĂč jâĂ©tais pris au piĂšge. CâĂ©tait donc quelque chose que jâavais besoin dâexorciser. Aussi, ayant grandi en campagne, je mâamusais Ă faire les cent coups avec mes amis, tout comme les personnages du film. Je me demandais donc jusquâoĂč pouvait aller ce genre de tĂ©mĂ©ritĂ©, quâarrive-t-il si on traverse la ligne. Je voulais Ă©galement faire un film avec des enfants qui serait diffĂ©rent, plus authentique, plus cru. Non sans consĂ©quences.
PL : La nature occupe une place importante Ă©galement dans ton filmâŠ
JC : Tout Ă fait, câest un thĂšme qui mâest cher, cette nature qui est antagoniste et alliĂ©e Ă la fois, qui est source de problĂšme et de rĂ©confort. Jâaime rappeler que nous sommes vulnĂ©rables, que nous sommes des animaux comme les autres. Câest dâailleurs ce que reprĂ©sente la boue, cette image de la naĂŻvetĂ©, de lâinnocence qui sâenfonce et disparaĂźt.
PL : Parlant dâanimaux, que reprĂ©sente le renard?
JC : (rires) Ha! Cette question, tout le monde me la pose! En fait, je nâai pas de rĂ©ponse prĂ©cise, jâaime parfois laisser aux gens le loisir de se faire leurs propres conclusions. Câest la beautĂ© du cinĂ©ma!
PL : Je voulais justement te demander, selon toi, ce qui arriverait si le film avait continué⊠Est-ce que Tyler (FĂ©lix Grenier) aurait avouĂ© ce qui sâest passĂ©? Lâaurait-il cachĂ©? Ceci dit, jâimagine que tu ne me le diras pas? đ
JC : (rires) VoilĂ ! Toutes ces questions en suspens sont voulues, Ă©videmment, je ne connais pas les rĂ©ponses moi-mĂȘme. Ceci dit, comme je disais plus tĂŽt, câest la beautĂ© du cinĂ©ma. Cette tranche de vie, cette photo sur un moment prĂ©cis, sans besoin de lâavant et de lâaprĂšs. Je trouve aussi que dans ce cas-ci, pour ce film prĂ©cis, de se laisser sur une espĂšce dâinconfort, dâanxiĂ©tĂ©, souligne comment un Ă©vĂ©nement donnĂ© dans lâenfance peut nous affecter pour le reste de nos vies.
PL : Les lieux sont magnifiques, il va sans dire. Quelle a été ton approche en ce sens? à quel point les lieux constituaient la clé de ton oeuvre?
JC : Oui, les lieux sont ici primordiaux, pour revenir au message de la nature, pour montrer Ă quel point câest grand et que nous sommes petits, que ça nous avale, que câest beau et inquiĂ©tant Ă la fois. Je voulais des lieux intemporels, des paysages lunaires, un peu sales, imparfaits, mais en fait authentiques (on revient souvent Ă ce mot.) En fait, petite anecdote, au dĂ©but il Ă©tait prĂ©vu que les enfants jouent Ă travers de vieilles autos abandonnĂ©es, mais quand nous avons trouvĂ© la carriĂšre, quelle ne fut pas notre surprise de dĂ©couvrir ces intrigants wagons de trains juste Ă cĂŽtĂ©. Jâai donc changĂ© le scĂ©nario en ce sens, me laissant conquĂ©rir par ce que la nature, ou le processus si on veut, me proposais. Jâaimais la nostalgie qui se dĂ©gageait de ces wagons.
PL : Au niveau de la réalisation, as-tu eu des réflexions précises sur la caméra et autres éléments visuels?
JC : Oui, pour la camĂ©ra, je voulais la positionner assez basse, pour reproduire le point de vue des enfants. Je voulais Ă©galement y aller Ă lâĂ©paule, question de reprĂ©senter la libertĂ© que ressentent les personnages. Du moins au dĂ©but, puisque quand les choses se corsent, la camĂ©ra se retrouve plus contrainte, sur trĂ©pied, pour souligner que les choses ont changĂ©, que câest la fin de lâinnocence⊠Sinon, au niveau des costumes, je voulais un style un peu rĂ©tro, annĂ©es 90, pour rappeler mon enfance (il faut se souvenir que ce scĂ©nario mâa Ă©tĂ© inspirĂ© par mes cauchemars dâenfance.) La voiture Ă la fin aussi est dans cette veine, nostalgique.
PL : Jâai bien aimĂ© la prĂ©sence du gros camion jaune aussi, qui est comme ce jouet que tous les garçons possĂšdent.
JC : Oui, et je ne voulais pas quâon voie le conducteur, je trouvais que les adultes nâavaient pas leur place dans ce film, du moins pas avant la fin. Ăgalement, toute lâintrigue tournant autour du camion reprĂ©sente un peu cette relation ambivalente, amour-haine, que les enfants entretiennent avec les adultes, en ce sens quâau dĂ©but ils sâen Ă©loignent pour finalement cruellement en avoir besoin.
PL : Les enfants, dâailleurs, en tant quâacteurs, sont extraordinaires dans ce film. Comment les avez-vous trouvĂ©s?
JC : Ils sont incroyables oui. Au dĂ©but, nous avons fait des auditions en ville, Ă MontrĂ©al, mais en bout de ligne, ce nâĂ©tait pas ce que je recherchais. Nous avons donc tenu dâautres auditions, mais cette fois en campagne, avec des non-acteurs. Ă bien y penser, je voulais que ce soit leurs premiĂšres expĂ©riences devant la camĂ©ra, question dâaller chercher sans dĂ©tour cette innocence, cette transparence et cette authenticitĂ©. Une fois que je les avais trouvĂ©s, avec le temps, je suis devenu comme ami avec eux, nous collaborions beaucoup. Par exemple, nous avons Ă©tĂ© sur les lieux de tournage pour rĂ©pĂ©ter, nous imprĂ©gner. Pendant ces moments, je leur donnais beaucoup de libertĂ© aussi, je les laissais sâexprimer, je modifiais parfois le scĂ©nario pour plus me coller Ă ce qui sortait dâeux spontanĂ©ment. Au final, certaines choses sont un mĂ©lange dâimprovisation et de scĂ©narisation, tant au niveau des actions que des dialogues.
PL : Les fameuses scĂšnes de boue, celles oĂč ils sâenfoncent (notamment quand le personnage de Benjamin sâenfonce), comment avez-vous procĂ©dĂ© au tournage? Câest trĂšs rĂ©ussi, trĂšs bien fait, hyper rĂ©aliste, cru et dur Ă voir. Je dĂ©tournais parfois mĂȘme le regard de lâĂ©cranâŠ
JC : Oui, beaucoup dâefforts et de rĂ©flexions ont Ă©tĂ© mis lĂ -dessus, câest la catharsis, le climax du film. PremiĂšrement, la sĂ©curitĂ© Ă©tait la prioritĂ©, il va sans dire. Nous avions donc toute une Ă©quipe de spĂ©cialistes autour de nous, notamment un superviseur dâeffets spĂ©ciaux et une mĂ©dic toujours prĂȘte Ă intervenir pendant et entre les prises. Au niveau de la technique, ce nâest Ă©videmment pas de la vraie boue et du vrai sable mouvant (Ă©videmment!) En fait, le superviseur dâeffets spĂ©ciaux a creusĂ© un trou et lâa rempli de gruau. Câest ce qui donne lâillusion. Pour des questions de sĂ©curitĂ©, nous ne pouvions pas non plus faire descendre lâenfant plus quâau niveau du torse, donc le trou a Ă©tĂ© creusĂ© Ă cette profondeur maximale, ce qui Ă©tait de toute façon suffisant pour lâeffet. Ă travers les rĂ©flexions, nous avons pensĂ© Ă toutes sortes de systĂšmes pour fidĂšlement reproduire lâenfoncement en tant que tel, mais au final, on sâest rendu compte que les enfants coulaient naturellement Ă la bonne vitesse dans le gruau, donc câĂ©tait parfait! Ăvidemment, tant de minutie prend du temps, et câest pourquoi sur les cinq jours de tournage, la boue a accaparĂ© en tout et partout environ une journĂ©e, sans compter la prĂ©paration, mais au final, cet investissement en valait la peine puisque câĂ©tait le coeur du film.
PL : Jeremy, encore une fois fĂ©licitations pour ton film et merci beaucoup pour ton temps.Â
JC : Merci!đ
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